Agriculture et monde agricole en France (fin XIX-1914)
« La France est paysanne » Mot courant de la IIIè Rep, sera valable jusque dans les années 1950. Une partie de la culture est issue de la ruralité.
« En France on parle quelquefois de l’agriculture, mais on n’y pense jamais. » Alphonse Karr début XIXè.
La RF a mis à bas une société d’ordre et de droit divin pour bâtir une société reposant sur le contrat social et l’individualisme. Le Code Rural de 1791 = droit à la propriété devait dominer le droit collectif. Donc renforcement des paysans. Reste un modèle très archaïque à l’évolution lente par rapport aux autres Etats européens (surtout la GB) mais qui connaît une certaine prospérité jusqu’en 1880. Dans la société de 1815, plus grand groupe social avec plus de ¾ de la population et le reste pendant plus d’un siècle : 83% en 1806, 76% en 1846, 65% en 1881… Craints par une grande partie des élites sociales tout d’abord, encadrés politiquement, leur statut social et politique tend cependant à évoluer et même à s’améliorer, dans un certain sens, à partir de 1848 : le nouveau régime et le suffrage universel consacrent le début de la politisation des paysans.
Il ne faut donc pas s’arrêter au simple fait agricole en lui-même, car il existe une véritable culture paysanne ; dans quelle mesure l’agriculture, dans son travail, ses résultats, influe-t-elle sur la vie agricole, c’est-à-dire la condition paysanne ?
I- La crise d’un modèle archaïque
A) Le monde agricole en crise
Causes :
*opposition au libéralisme
-Vaine pâture = après une récolte et avant la semence on peut mettre son bétail sur le champ des autres. Le proprio ne peut pas s’y opposer ;
- Biens communaux = terre appartient au village où on fait garder le bétail par un pâtre communal qui est payé par la commune.
- Droit sur la forêt = essentiellement le droit de ramasser le bois mort, qui n’est pas considéré comme appartenant au propriétaire.
-référence au cycle de la lune pour fixer les cycles agricoles
-résistance au dvlp des vétérinaires
La crise :
Dépression éco mondiale. C’est donc la crise d’une économie de marché et marché de plus en plus mondial + crise de l’ensemble des pays occidentaux. La préoccupation devient vendre plus que produire
-causes conjoncturelles : maladie du phylloxera (viticulture)
-révolution des transports jouent contre l’agriculture française ac arrivée de nouveaux grands concurrents comme les blés russes et les blés américains
-baisse des prix : Dernier quart du siècle, les céréales ont baissé du quart de leur valeur
-la main-d’œuvre se fait plus rare car industrialisation > besoin de main-d’œuvre, et l’industrie commence à offrir des emplois stables. Industrialisation s’accélère dans les années 1880-1914.
-1889 = abolition de la vaine pâture. La rente foncière n’est plus rentable, l’argent fuit la terre pour l’industrie, actions de chemins de fer par exemple.
B) Deux réactions opposées
Pessimisme : l’« exode rural »:
- on ne peut pas parler d’exode : encore 65% en 1881, 55,8 % en 1911.
-après 1880, changement dans les migrations : deviennent davantage définitives alors qu’avant saisonnières pour industrie :
-fin Second Empire = 160 000 départs définitifs /an en France en conséquence de la crise
-1890 = on revient à 100 000 et donc retour à situation du 2nd Empire
-1906 = 150 000 départs /an
Incomparable à l’Allemagne : 67% en 1870 et 33% en 1911 ; rien qu’en 1900, -1,6M
Optimisme : la modernisation
Crise > subventions de l’Etat, voire course entre France et Allemagne dans le cadre du protectionnisme (prime à l’exportation). En 1892 ac Tarif Méline. en 1897 = le tarif Méline est conforté par la Loi des Cadenas qui permet au gouvernement de modifier à tout moment si il le juge utile les droits sur 3 Produits essentiels = céréales, viandes, vin.
En 1881 = Création d’un ministère indépendant de l’agriculture.
-1890 = les premières machines à vapeur agricoles ac nb de faucheuses et moissonneuses vont doubler. Machine à la vapeur = modernité absolue.
-mais il ne faut pas oublier que c’est très minoritaire. Il y a des modernisations qui vont bcp plus toucher.
-Apparition de l’engrais chimique, notamment les phosphates, qui remplacent l’épandage.
-début de la génétique qui permet de créer de nouvelles races de bovin et ovin comme la vache du Quercy va aussi bcp toucher
-spécialisation régionale = agriculture de marché + Recul relatif de la polyculture vivrière. Culture de céréale va diminuer face à la betterave ou pomme de terre.
MAIS modernisation à petit pas dans les cadres traditionnels = pas tjrs possible de parler de révolution agricole en France. Il faut attendre la fin de la WWII pour parler de révolution agricole.
II- La société paysanne
A) La campagne et la ville
Différenciation ville/campagne :
Deux grands traits :
>isolement : matériel tout autant que moral.
Pas de cinéma/radio/télévision qui relieront plus tard le monde rural au monde extérieur. Les chemins de fer ne vont pas encore partout et sont chers, automobile pas encore transport courant. Donc beaucoup des déplacements se font à pied, sur de longues distances. Exception avec le service militaire qui faisait se retrouver tout le monde, mais au final replié sur soi-même, pas de projection vers l’extérieur.
Parfois la ville venait trouver la campagne : figure du « planteur de Caïffa », marchand de colifichets, du café, apportait des nouvelles. Mais crée une hiérarchie entre les deux :
>subordination :
Le poids de la ville pèse sur les campagnes :
-une grande partie des terres appartient à une bourgeoisie urbaine.
Les ruraux sont soumis non plus aux notables (nobles, grand proprio, châtelain) mais à l’avocat, au médecin, à l’instituteur (cf Clochemerle)
-la ville est le lieu du marché, des échanges, des foires.
-le paysan va être moqué = le terme bouseux. Décalage ac honte de la campagne. Avec l’industrialisation qui dépasse en produit l’agriculture. Pour Michel Augé-Laribé, « les produits agricoles manquent de prestige ».
B) Paysans et politique
Conquérir l’électeur paysan : Gambetta 1870-1880.
A la conquête des suffrages.
Les républicains prônent une République rassurante, modérée : mettent en avant l’argument de l’Ordre (« La République, c’est l’Ordre. »). Elle est garante de paix et œuvre pour la prospérité paysanne avant tout.
On oeuvre pour les intérêts locaux : amélioration des voies de chemin de fer, inauguration d’écoles …
Les aspirations paysannes dictent les démarches électorales.
La République s’enracine par le biais des promesses électorales.
L’essor de la presse et de l’école.
La presse reste locale mais quelques articles concernent la vie politique nationale = les paysans ouvrent progressivement leur champs de vision, la frontière entre les événements nationaux et les campagnes s’effacent. C’est l’entrée en politique des ruraux.
L’école : elle constitue une promesse d’émancipation sociale. Elle ouvre les mentalités des paysans en leur permettant de savoir lire la presse, et en ouvrant leur opinion politique.
De plus, ouverture des paysans à la ville par le biais de l’école et des voies de communication : nouveaux modes de vie, nouvelles influences politiques.
Les élections municipales.
1886 : à cette période, 2/3 des communes rurales sont gouvernées par de grands paysans = les paysans prennent en main les décisions locales qui les concernent en premier lieu. Ils sont sortis de l’immobilisme.
Une démocratie rurale
Les paysans incarnent désormais l’ordre, la stabilité, les valeurs.
L’idéal républicain.
Les paysans sont mis en valeur par le pouvoir et constituent l’emblème des républicains : la propriété, la sûreté …
Le ministre de l’agriculture : Méline.
Il est emblématique
Il incarne le protectionnisme de l’Etat contre les effets néfastes de la mondialisation sur l’économie paysanne française (retombées économiques et sociale de cette ouverture : chômage, faillites)
.Les paysans jouent un rôle déterminant dans la vie politique.
L’autodétermination du monde paysan.
Les paysans sont des acteurs de la vie politique : regroupement en groupes de pressions qui constituent les premiers syndicats d’agriculteurs : 1912 avec la Fédération Nationale de la Mutualité et de la Coopération agricole.
Ces groupes de pression ont à présent un rôle déterminant, les paysans ont un poids politique important
Il ne reste plus que des paysans grands propriétaires : avec « l’exode rural », les plus défavorisés sont partis tenter leur chance en ville. Les grands propriétaires ont les moyens matériels de s’opposer à une domination des grands notables. Les plus petits et les plus pauvres non puisqu’ils dépendent d’eux financièrement.
Ccl :
Il faut donc faire attention aux prénotions en ce qui concerne la vie agricole : l’exode rural, la révolution agricole… Le modèle agricole des années 1870 reste archaïque tant dans la démographie que dans ses techniques. La crise sera donc un désastre pour les paysans, étant du même coup le déclencheur du début des deux phénomènes cités ci-dessus.
Cependant les événements de cette période ont aussi des impacts sur la vie sociale et politique du monde agricole.
L’Ordre et la liberté étaient les aspirations des paysans, ces deux concepts font à présent partie du discours des républicains. La période qui s’étend de 1848 à 1914 voit une nette progression des conditions de vie et de l’instruction paysannes qui constituent deux facteurs importants dans la relation des ruraux avec la politique. D’abord méprisés, ils constituent ensuite un véritable corps d’électeurs avec qui il faut désormais compter. Ils tendent à devenir des acteurs fondamentaux de la vie politique.
Cependant il faudra attendre la WW1 pour faire du paysan un homme nouveau : gloire de la concentration dans les tranchées, pénurie alimentaire qui rappelle à tous qui fait l’effort de nourrir les français…
Bibliographie :
-Armand Frémont, « La terre », in Les Lieux de mémoire, tome III (dir. Pierre Nora), Quarto Gallimard, 1997 > l’exode rural
-Caron et Chauvaud (sous la direction de), Les campagnes dans les sociétés européennes France, Allemagne, Espagne, Italie (1830-1930), presse universitaire de Rennes, 2005 > informations globales et thématiques sur la politisation des campagnes françaises, la jeunesse rurale. Gestion de la crise agricole
-Duby Georges et Wallon Armand (dir), Histoire de la France rurale, tome 3 : de 1789 à 1914, Seuil, 1992 > l'ensemble du cadre matériel et mental de la vie paysanne et ses transformations
-Lhomme Jean. La crise agricole à la fin du XIXe siècle en France. Essai d'interprétation économique et sociale. In: Revue économique. Volume 21, n°4, 1970. pp. 521-553 > analyse des causes et conséquences de la crise agricole, sur la vie (politique) des paysans
-Moulin Annie, Les paysans dans la société française, Seuil, 1988 > relations entre le monde paysan et la société